Au cœur de la COP22 un événement a conduit la réflexion sur la résilience des territoires insulaires, avec le lien entre le petit et le grand cycle de l’eau. Les difficultés rencontrées par les acteurs de ces territoires et les expériences d’adaptation réussies ont été à l’ordre du jour, dans un riche atelier de partage d’expériences avec des témoignages de terrain en provenance de Nouvelle-Zélande, Nouvelle-Calédonie, Mayotte, Réunion, Madagascar, Comores, Martinique, Haiti… modérés par Marc Vézina du Syndicat-des-eaux-d’Ile-de-France. François-Marie Perrot, président de Lysa, a présenté l’expérience de la Société des Eaux de St-Marc (Sesam), société haïtienne en charge depuis plus de sept ans, du réseau d’eau potable de cette ville haïtienne de 130.000 habitants (7.000 branchements, petit équilibre d’exploitation), et filiale du groupe français spécialisé dans l’opération et l’appui aux opérateurs de réseaux de villes intermédiaires, présent également à Madagascar et aux Comores.
Il a pu expliquer comment le changement climatique est perceptible sur un délai aussi court de huit ans, au cours desquels les cultures dans la zone de captage ont évolué, accroissant la pression sur la ressource. Ainsi en 2015 les cultivateurs n’ayant pas reçu la pluie au moment habituel des plantations traditionnelles, décident dans l’urgence de planter du riz et pour cela d’inonder les terres en sabotant l’adduction qui privera la ville d’eau pendant près de six semaines. Il a ainsi exposé la nécessité première d’écouter les cultivateurs et ceux qui sont proches de la nature car ce sont les témoins en première ligne de cette évolution climatique qui les contraint parfois à ces réactions violentes. Il a montré la montée progressive et rapide des tensions, d’abord entre les cultivateurs puis entre la campagne et la ville, qui ont entraîné des sabotages de canalisations et de route, des mesures de rétorsions tantôt contre les citadins, et tantôt contre les enfants des familles rurales, scolarisés en ville, et d’autres signes de cette rapide dégradation du dialogue et des liens sociaux. Il a expliqué aussi comment l’opérateur SESAM s’est trouvé, devant la faiblesse des autorités, aux côtés des notables, des leaders religieux et des journalistes, face à des comportements irrationnels que génère le manque d’eau et qu’aggravent des réflexes de peur, de superstition, l’apparition du choléra… Il a souligné le sentiment d’impuissance qui s’empare de tous quand il n’y a pas de solution « magique », et quand il est vain de vouloir faire porter la responsabilité sur l’Etat ou sur tel ou tel acteur. C’est la démocratie, particulièrement vulnérable en Haiti mais pourtant vivante avec l’élection récente des maires, qui ouvre une perspective favorable à la construction de solutions collectives face au changement climatique, en relançant le dialogue et en reprenant une réflexion partagée localement pour la recherche commune de solutions qui passent par une prise en considération des besoins de tous les usagers, à divers titres,, de la ressource naturelle essentielle à la vie. Le ministère de l’Environnement d’Haïti, soumis à ces enjeux, est preneur d’expériences de terrain conduites localement pour concevoir des stratégies globales d’adaptation.