François-Marie Perrot, Président de LYSA, a été invité par Jacques Léon-Emile, Président de l’Association Haiti Mémoire et Culture, à présenter "le cas de la Société des Eaux de Saint-Marc: un partenariat public-privé (PPP) pour le service de l'eau potable."
Promulguée en 2009, la loi-cadre sur l’eau apporte de nouvelles bases légales pour l’organisation du secteur de l’eau potable et de l’assainissement en Haiti. Cette réforme a conduit à la création de la Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) chargée du développement du secteur et de la coordination de ses acteurs. Elle regroupe aujourd’hui toutes les anciennes organisations haïtiennes de ce service essentiel (SNEP, CAMEP, etc.).
Selon le dernier rapport de l’OMS et de l’UNICEF, les données ayant été recueillies fin 2011, près de deux tiers de la population mondiale (64 %) n’ont pas accès à des installations sanitaires améliorées, 89% de la population mondiale utilisent une source d’eau potable améliorée et 55% ont de l’eau courante chez eux. Il existe toujours des disparités frappantes entre ceux qui vivent en zone rurale et ceux qui habitent les villes. Les citadins comptent pour trois-quarts des individus qui ont accès à l’eau courante chez eux. Les communautés rurales abritent 83% de la population mondiale n’ayant pas accès à une source améliorée d’eau potable et 71% des personnes qui vivent sans assainissement.
Recherchant l’implication du secteur privé pour le développement du service public en milieu urbain, la DINEPA a délégué en octobre 2009 la gestion du réseau d’eau potable de la ville de Saint-Marc (130.000 habitants à 90km au nord de Port-au-Prince) à la Société des Eaux de Saint-Marc (SESAM), filiale haïtienne de l’opérateur international LYSA, expérimentant ainsi le premier partenariat public privé (PPP) dans ce secteur en Haïti.
Au démarrage du partenariat, la situation sanitaire de Saint-Marc est précaire. Le service public de l’eau est minimal, les réseaux de distribution ne satisfont pas les besoins faute d’une gestion adéquate, ils sont en très mauvais état, le traitement de l’eau est inexistant, la distribution est intermittente soit deux fois deux heures par semaine. Le service de l’assainissement est inexistant. A cela s’ajoute une pénurie de personnels qualifiés.
Dans ce contexte, LYSA à travers sa filiale SESAM s’engage à livrer à la ville de Saint-Marc un service de l’eau potable conforme aux standards internationaux de qualité de service et rentable qui mette en œuvre la facturation au volume, avec un réseau de distribution rénové. Aujourd’hui, la SESAM compte 7.000 branchements domiciliaires et 11 kiosques de vente d’eau, soit une couverture de 76 % des habitants de la ville, desservis au moins 16 heures par jour. Elle est confrontée régulièrement aux contraintes techniques, aux difficultés de paiement du service par les usagers (factures et branchements), et l’impact sur la viabilité de l’entreprise n’est pas négligeable.
En parallèle de sa mission d’assistance technique au Centre Technique d’Exploitation de Port de Paix, la DINEPA lui confie dans le cadre de la stratégie nationale de l’assainissement l’étude d’un pilote d’assainissement urbain, à partir d’une situation de quasi absence d’infrastructures et de service. Les cinq villes initialement ciblées par cette étude sont Saint-Marc, Jacmel, Ouanaminthe, Port de Paix et Les Cayes. Une enquête menée par LYSA indique que 21.3% de la population saint-marcquoise (équivalent à 3.500 ménages) ne disposent d’aucun assainissement domiciliaire et utilisent principalement les toilettes de leurs voisins ou défèquent majoritairement dans la nature. Devant cette situation, l’un des enjeux principaux de LYSA est de définir un cadre directeur de développement du service assainissement, notamment via la création d’une filière de maçons pour la construction des infrastructures, la professionnalisation des vidangeurs manuels et opérateurs privés dits bayakous pour l’acheminement des déchets vers la future station de traitement en cours de réception.
Un riche débat a permis d’aborder toutes les composantes du fonctionnement du service de l’eau potable qui en est à sa cinquième année de délégation Une question clef : comment se fait-il que le tarif de l’eau potable revienne plus cher aux St-Marcquois qu’aux Parisiens ? Comme c’est hélas le cas dans de nombreuses villes de pays en développement ? En toute transparence LYSA expose ses coûts hélas plus élevés :qu’en France en l’absence de compte en banque et de possibilité d’équilibrer leur budget, alors qu’ils sont dans une situation économique difficile avec un fort chômage, aucun système d’assurance, des retraites très faibles,les Saint-Marcquois ont leurs compteurs relevés mensuellement et doivent se rendre mensuellement à l’agence pour régler leur facture . Un système beaucoup plus couteux que le téléphone mobile qui fonctionne à prépaiement.Alors qu’elle aide apporter aux Saint-Marcquois les plus démunis ? Sur la base d’une transparence des coûts et d’une recherche d’une meilleure solution en lien bien sûr avec les réflexions que conduit la DINEPA sur place avec LYSA, une réflexion qui se veut porteuse d’actions concrètes en faveur des Saint-Marcquois a été engagée lors de cette rencontre avec l’Association Haiti Mémoire Culture, les Haïtiens et amis d’Haiti, la diaspora souhaitant être le moteur d’une initiative solidaire.
L’idée est de mettre en place un dispositif spécifique, qui permette de maintenir l’accès à l’eau pour tous et d’aider les ménages en difficultés. La formule n’est peut-être pas d’instaurer une gratuité, mais plutôt un tarif préférentiel, une aide sociale pour le règlement d’un branchement au réseau d’eau potable, d’un équipement d’assainissement, une prise en charge partielle des factures (via des chèques eau ou assainissement par exemple).
Qui peut en bénéficier?
Quels peuvent être les critères d’attribution ? Des contacts ont été pris, la diaspora va réfléchir à ce que peut être sa contribution morale et financière et rendez-vous dans un an pour mesurer les progrès accomplis .
Conférence présentée par François-Marie Perrot à l’Association Haiti Mémoire et Culture,11 janvier 2014.